Désiré Sénato, le producteur heureux grâce au Gouvernement
PACOFIDE : M. Sénato, vous semblez un producteur agricole heureux et accompli. Comment s’est opéré ce miracle et d’où cela est-il parti ?Désiré Sénato : J’ai commencé sur un domaine de 2 ha qui appartenait à ma mère, en face de la préfecture d’Allada. Mais au regard des problèmes familiaux et n’étant pas le seul enfant, j’ai dû abandonner cela pour venir m’installer là où vous me trouvez. J’y avais loué 12 ha. J’ai recommencé tout en suivant les différentes formations organisées par l’Agence Territoriale du Développement Agricole (ATDA) pôle 7, autrefois appelée Centre d’Action Régional pour le Développement Rural (CARDER) et d’autres partenaires. Progressivement aussi, j’ai continué d’augmenter la superficie. Grâce aux formations, je me suis amélioré.Vous devez reconnaître avec moi que les choses avancent dans le pays. Au départ, l’ananas n’était pas ce qu’il est aujourd’hui. Si nous comparons les moments où, pour avoir du jus d’ananas, il fallait le piler dans des mortiers et aujourd’hui avec l’installation des unités modernes de transformation, beaucoup de choses ont changé, aussi bien dans la production que dans la transformation et dans l’exportation.
Il y a quatre ans, vous avez commencé par bénéficier de l’appui du PACOFIDE. Combien d’hectares exploitiez-vous en ce moment ?Il est vrai que, au tout début, je n’exploitais pas 32 ha. Mais avec l’avènement du PACOFIDE, l’Etat nous a donné le labour, les rejets. L’Etat nous a subventionnés pour les opérations de dessouchage, labour et plantation des rejets. Face à tout cela, on ne saurait rester statique ! On doit évoluer, grandir ! Je veux simplement dire que lorsqu’on te fait don de tout ça, ce qui en temps normal, devrait te coûter des fortunes, tu dois pouvoir augmenter ton domaine, tu dois investir dans l’agrandissement de ton champ.
Comment peut-on comprendre cette nouvelle approche que vous avez adoptée ?Avant, sur 100 têtes de fruits, nous connaissions des pertes allant de 70 à 80 %. Mais aujourd’hui, la tendance est inversée. Nous vendons au moins 95 % de notre production. C’est dire combien l’épuration variétale est une très bonne chose. Aujourd’hui, la qualité et la grosseur des fruits sont incontestables. Avant, tout était mélangé. Nous produisions tout pendant que le marché ne voulait pas tout. Aujourd’hui, grâce aux techniciens spécialisés que l’Etat a mis à notre disposition par le biais du PACOFIDE, nous produisons selon les besoins du marché. Selon une loi du marketing moderne, il ne suffit plus de produire pour vendre mais plutôt de produire selon les besoins ou pour satisfaire les besoins du marché.
A vous entendre, on se dit que vous vous êtes organisé de sorte à produire de l’ananas durant toute l’année.En démarrant cette activité, il m’est arrivé d’aller solliciter des prêts et concomitamment, j’ai élargi mon champ de 4 à 8 ha. Malheureusement, j’ai connu une mévente. Je n’avais même pas pu céder la quarantaine d’ananas au prix de 2500 FCfa. Suite à cela, une Organisation Non Gouvernementale s’est proposée de nous former sur la planification et la gestion de nos champs. Pour cette ONG, le coût de l’ananas peut connaître des fluctuations, l’ananas peut connaître une cherté au cours de certaines périodes de carême et ne pas l’être au carême suivant. Elle nous a conseillés d’avoir des fruits en permanence. Ceci m’a conduit à subdiviser mon champ en six grandes parcelles et dans chaque grande parcelle, il y a de petites sous-parcelles de 1000 m². Dans chacune des 1000 m², j’arrive à planter 5000 rejets que je dédouble chaque semaine. Mieux, mon acheteur m’a demandé de monter à deux parcelles par semaine pour la plantation et pour la provocation des fleurs (Tif). Je fais donc 10 000 rejets tous les dimanches afin de pouvoir livrer 10 000 fruits toutes les semaines.
En vous suivant, on peut risquer de dire que l’ananas vous nourrit bien !Toutes les semaines et plus précisément, tous les mercredis, je vais percevoir ce qui m’est dû, un minimum de 700 000 à 750 000 FCfa. Avec ce montant, je paie les ouvriers, je nourris les enfants, je supporte les charges fixes de la maison et je me fais mon salaire. L’ananas, c’est beaucoup mieux aujourd’hui où tout est au kilogramme contrairement à avant où on vendait la quarantaine à 2500 FCfa. Aujourd’hui, nous sommes fiers de rembourser les prêts que nous contractons.
Cela suffit-il pour supporter les nombreuses charges, notamment l’éducation de vos enfants et vos besoins personnels ?Grâce à la production et à la vente de l’ananas, j’ai un enfant qui a fait une expertise en France et qui a fini, une autre qui a fait la pharmacie et qui a fini, un autre en 4è année d’agronomie. Je n’ai pas reçu beaucoup d’aides en dehors de deux structures dont surtout le PACOFIDE. J’aurais pu venir à votre rencontre avec le tricycle que m’a offert le PACOFIDE.Car, tout le monde sait dans la zone d’Allada que c’est avec ce moyen de déplacement que je fais tout, à savoir l’acheminement des rejets, des intrants, de l’ananas parfois à l’usine. Donc, je ne jette pas de fleurs en disant que PACOFIDE a beaucoup fait. Si nous pouvions bénéficier de tout ce que PACOFIDE a fait auprès des autres projets, les producteurs souffriraient moins. Essayons de prendre le cas des Coopératives de Prestation de Services Agricoles (COPSA) que le PACOFIDE recrute et paie pour nous, dans le cadre des opérations de sélection massale. Quel producteur est en mesure de le faire à ses propres frais ? Cela m’amène à leur demander de continuer de nous subventionner dans les opérations de dessouchage et labour et peut-être en laissant la plantation de rejets à notre charge, on continuera de les remercier. J’ai même appris qu’ils ont acquis pour nous, des engrais dont ils vont subventionner le coût de moitié !
On remarque que vous, particulièrement, vous fournissez uniquement le marché local. Quels sont les autres marchés qui s'offrent à vous, surtout au regard de tout ce que le Gouvernement fait pour les producteurs d'ananas ?L’aide du PACOFIDE qui induit la qualité de l’ananas que nous produisons aujourd’hui est, à elle seule, une ouverture aux différents types de marchés qui puissent exister. Il n’est pas de jour où plus d’une trentaine de camions ne traversent le pays pour aller charger dans les différentes zones de production, qui 30 tonnes, qui 40 tonnes ! Les acheteurs viennent des pays voisins. Moi j’ai fait l’option de fournir le marché local de transformation parce qu’il y a dans les usines d’ici une main-d’œuvre constituée de nos enfants. Ils y sont recrutés et y travaillent. Quand vous prenez Blue Sky, plus de 500 de nos enfants y travaillent. Ceci seul suffit pour ne pas priver ces usines locales de matières premières. Elles transforment sur place, utilisent la main-d’œuvre locale. Je les ai particulièrement privilégiées non pas parce qu’elles achètent cher mes fruits (110 000 FCfa la tonne) mais parce qu’en plus d’aider à résorber le problème de chômage et à payer les taxes nationales pour le renflouement des caisses de l’Etat, j’y trouve déjà mon compte, comparé à quand je vendais le kilogramme à 60 FCfa. Avec ces usines locales, je gagne 50 FCfa en leur cédant le kilogramme à 110 FCfa. Blue Sky veut monter sa demande à 30 tonnes par jour, à partir de juillet. Mais on ne saurait lui en fournir si on ne se met pas au travail.